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Initiatives de paix et de réconciliation au Pays basque III ODD 16

par | Nov 12, 2022 | Europe, Paz | 0 commentaires

Initiatives de paix et de réconciliation au Pays basque III

Une éthique au service de la paix, avec trois vecteurs

Aitor Kamiruaga Mieza, cmf.

Directeur général de l’école Claret Larraona

1.   La paix naît de la justice

Le désir et la volonté de vouloir la paix doivent se traduire par des actions concrètes en faveur de cette même paix. La cohérence entre ce que nous disons vouloir et les actions concrètes est la condition de base pour que la paix émerge de relations fondées sur la justice. Les conflits et les confrontations sociales sont souvent fondés sur le fait qu’une partie plus ou moins importante de la communauté sociale estime que ses droits ne sont pas respectés, et la violence devient la manifestation la plus douloureuse de la lutte pour obtenir ces droits.

Œuvrer pour la justice implique la défense des droits de l’homme et des groupes, qui sont inaliénables et imprescriptibles. Favoriser des relations humaines et sociales qui respectent réellement la dignité de la personne humaine découle nécessairement de la justice sociale. L’égalité et la dignité humaine ne sont pas des questions à négocier entre des intérêts idéologiques. Il s’ensuit qu’il y a un rejet clair de tout ce qui menace la personne humaine : enlèvements, impôts révolutionnaires, menaces, assassinats, etc.

De même, le visage humain de la personne emprisonnée ne peut être effacé ou utilisé comme monnaie d’échange. Cela est vrai même si la personne condamnée a commis des crimes de sang contre d’autres personnes. Les droits de tout prisonnier doivent être respectés dans le cas des membres de l’organisation ETA, si nous ne voulons pas nous plonger dans une contradiction flagrante en faisant de la médiation avec la dignité de tout être humain.

Le respect des droits de l’homme de chaque individu s’étend aux droits des communautés et des groupes sociaux. Les êtres humains se développent dans une communauté sociale, de sorte que la société elle-même, étant humaine, est protégée par des droits qui assurent son identité sociale, politique, économique et culturelle. C’est à la société de dicter les souhaits de sa volonté pour son plein épanouissement.

Si l’ordre public ne peut être totalement assimilé à la paix sociale, car il peut exister des circonstances dans lesquelles la force et le pouvoir font du respect de l’ordre établi une dictature, il assure néanmoins, en soi, une coexistence sociale pacifique. La mission fondamentale des institutions publiques démocratiquement élues est de promouvoir le bien commun des individus et des peuples. En ce sens, il est urgent de faire confiance aux institutions démocratiques, pour autant qu’elles assurent le respect de leur finalité. Une société qui cherche à se développer au milieu d’une méfiance généralisée à l’égard des canaux démocratiques qui assurent le maintien de l’ordre public sera endémique dans la construction d’un avenir pacifique.

L’engagement pour la justice sociale qui assure la coexistence pacifique d’une communauté humaine doit contribuer à transformer la conscience qui s’appuie sur la force de la violence, par les armes, pour assurer l’efficacité des procédures civiles et démocratiques. Malgré les processus douloureux et les souffrances qui peuvent être endurés, la justice appelle toujours à la résistance face au mal, plutôt que de s’appuyer sur des moyens qui expriment l’agression ou la violence.

Tout en reconnaissant qu’un certain degré de conflit est inévitable dans la coexistence sociale, il faut s’efforcer d’humaniser la confrontation et de ne pas faire de la lutte pour le pouvoir un élément absolu et quotidien de la vie sociale. La confiance dans la bonté des êtres humains signifie que les forces impersonnelles et absolues ne devraient pas être autorisées à prendre le statut de citoyens. La justice sociale, qui est la base de la coexistence pacifique, ne doit pas être la tâche exclusive de ceux qui sont devenus les autorités, mais la responsabilité de tous les citoyens.

2.   La paix dans l’exercice de la vérité et de la liberté

Le progrès des relations sociales et la maturité de la conscience humaine entraînent le désir d’une vérité authentique et complète. Au sein d’une pluralité d’idéologies, il est courant que chaque option défende la légitimité de sa propre vérité, pour laquelle elle ressent le besoin de disqualifier ceux qu’elle considère comme des opposants, voire des ennemis. Cependant, dans une société adulte et autonome, la passion pour la vérité des faits est devenue l’une des maximes les plus réputées. De nos jours, et avec l’avancée des médias, il est pathétique de vouloir continuer à tromper l’opinion publique en déformant les données offertes par la réalité sociale elle-même.

Le respect de la vie sociale exige que la vérité ne devienne pas une voie à double sens qui prend des nuances différentes selon la façon dont les autres options sont jugées. Il s’agit d’établir des critères objectifs qui garantissent non pas le principe d’efficacité mais le respect de ce qui est authentique et réel. Jouer avec des interprétations différentes et confuses ne contribuera pas à la résolution des conflits sociaux mais à leur enracinement. Dans le même sens, la vérité de l’autocritique, une capacité qui examine ses propres options et idéologies à la lumière de ce que d’autres positions peuvent affirmer, est nécessaire.

La compréhension des raisons humaines par le dialogue est une manifestation claire de la maturité qu’une société a pu atteindre. Le dialogue nous invite à dépasser le dogmatisme de nos propres options, en comprenant que la vérité est construite par tous les hommes. Ceux qui s’accrochent absolument à la vérité de leur idéologie placeront de grands obstacles sur la voie du dépassement des conflits. Cela ne signifie pas que la personne ou le groupe ne peut pas conserver ses convictions profondes, mais que celles-ci doivent être continuellement relues à la lumière de la réalité. Cela signifie savoir discerner entre ce qui est historique, et donc modifiable et transformable, et ce qui est des principes dont le renoncement signifierait la perte de la dignité humaine et sociale.

La proclamation des droits à la liberté de conscience, à la liberté d’opinion et à la liberté d’action pour l’individu et la communauté sociale est un acquis de la modernité qui favorise la construction de la paix. Les monopoles politiques violents qui cherchent à s’imposer non pas par la force de la raison mais par la peur, la terreur et les armes semblent être des réalités d’un passé qui a été surmonté et auquel la société ne souhaite pas revenir. Tenter de légitimer et de justifier l’usage de la violence contre la liberté humaine elle-même n’appartient pas au domaine de la raison humaine, mais à la susdite loi de la jungle, où celui qui s’impose par la force parvient à dominer la situation.

Le respect de la volonté démocratiquement exprimée par la majorité est l’assurance que la liberté offre à la conscience humaine et sociale. Prétendre que la volonté de la majorité d’une société doit être supprimée par la peur et la terreur n’a pas sa place dans des relations sociales justes, et rien ne peut le justifier. L’ensemble de la société, informée dans la vérité et à partir de sa liberté, a la capacité de choisir l’avenir qu’elle souhaite pour son peuple.

Le principe de liberté concerne également le respect de la conscience de chacun, sans que quiconque puisse prétendre représenter une autre personne ou collectivité qui a la capacité légitime de s’exprimer. L’instance ultime qui peut juger l’action humaine réside dans la conscience individuelle et personnelle, en tant que valeur inaliénable. La conscience du groupe social naît de la volonté de chaque personne qui souhaite s’associer, en toute liberté, à la conscience des autres. En ce sens, la conscience de la société basque a décidé à la majorité que la violence n’est pas le moyen qu’elle souhaite utiliser pour construire son avenir en paix.

Les manifestations de violence généralisée, de tentative de conquête de la rue, contribuent à alimenter une culture où une telle situation devient normale. Face à ce constat, l’éducation dans tous les domaines doit contribuer à créer une culture de la non-violence, où il est possible de résoudre les conflits sociaux sans recourir à la force. Le respect des choix personnels et la tolérance à l’égard des manifestations divergentes, pour autant qu’elles ne portent pas atteinte à la dignité humaine, sont la base pour que les générations futures puissent s’engager dans la recherche de nouvelles formules de coexistence sociale qui garantissent la paix.

3.   L’amour est le fondement de la paix

La réalité humaine ne peut être étouffée par des circonstances historiques qui entravent sa croissance pleine et authentique. L’histoire nous montre d’innombrables moments où la coexistence humaine a connu de graves difficultés. Nous pourrions citer d’innombrables exemples dans lesquels des conflits ont été résolus par le recours aux armes et à la violence. Cela peut nous amener à penser que la coexistence sociale est nécessairement déterminée par l’échec des processus pacifiques. La confiance dans l’amour de Dieu et dans la bonté de l’œuvre créatrice nous éveille à une nouvelle espérance.

S’il est vrai que les plus grandes atrocités et les projets qui menacent la dignité de leurs semblables naissent dans le cœur de l’homme, il n’est pas moins vrai que cette même réalité est capable de se convertir. Le désir de s’exprimer dans la construction d’une coexistence sociale pacifique exige que les êtres humains transforment leurs préoccupations et leurs actions. L’être humain est le sujet de l’histoire que nous appelons humaine et, par conséquent, le protagoniste et le responsable de son propre avenir.

Si les gens d’aujourd’hui veulent construire la paix, ils doivent être convertis au pouvoir de l’amour. Un amour que nous avons reçu comme un don de Dieu à travers l’Incarnation du Prince de la Paix. Un amour qui respecte l’image du Christ, qui a été gravée par les mains de Dieu sur chaque visage humain, et qui est solidaire des meilleurs souhaits et engagements de ses semblables. Une conséquence pratique du commandement de l’amour est le renoncement aux voies de la violence et la tentative réelle de rechercher d’autres voies d’épanouissement humain.

Nous, chrétiens, apprenons de Jésus-Christ sa résistance au mal à force de bien, le don de sa propre vie étant le plus grand exemple de son dévouement jusqu’au bout. Jésus a vécu jusqu’au bout la cohérence entre ce qu’il prêchait et ce qu’il faisait. Avec lui, nous recevons la venue du Royaume de Dieu comme une réalité qui transforme les relations humaines et la réalité elle-même. La force de l’amour établit de nouvelles relations entre les personnes, où la justice ne se limite pas à donner à chacun ce qui lui est dû, mais implique le renouvellement total de la personne humaine.

L’expérience du pardon et de la réconciliation que Dieu nous a offerts par la mort et la résurrection de Jésus-Christ encourage l’engagement du chrétien en faveur de la paix. La réconciliation reste un don de Dieu pour toute l’humanité qui est censé transcender la vie et l’expérience de chaque personne humaine. Dieu est le premier qui pardonne et aime ses ennemis jusqu’au bout, et nous enseigne que la personne, sur ce chemin de salut, doit apprendre à demander et à offrir le pardon. Cette foi en la réconciliation que Dieu nous offre invite l’être humain à se réconcilier avec ses frères, car la personne est capable de pardonner à ceux qui l’offensent.

Le pardon implique une main qui offre et une main qui accueille. C’est une rue à double sens. Celui qui ressent le besoin de construire une réalité renouvelée ouvre la porte à ce changement par le pardon, et le pardon ne reste pas vide lorsque l’autre personne accepte cette main tendue et se réconcilie avec celui qui lui a fait du mal. Ce n’est pas une utopie irréaliste que de prétendre que la réconciliation a sa place dans le processus de rétablissement de la paix sociale. La confiance dans la fraternité et l’amour universel nous invite à espérer que les gens parviendront à se réconcilier comme de véritables frères et sœurs.

Le pouvoir du pardon et de la réconciliation construit une réalité beaucoup plus humaine que le comportement qui exige que chacun obtienne ce qui est juste. Les sentiments de haine et de vengeance n’aident pas à construire une réalité humaine car ils finiront par réclamer la même monnaie. Pour renouveler et pacifier la réalité sociale, l’être humain devra apprendre à pardonner et à se réconcilier avec ses frères et sœurs. Il ne s’agit pas de remettre en cause la force et la légitimité de la justice humaine, mais de la placer sur un autre plan, dans le domaine de la justice de l’amour, qui fait l’expérience que la nature humaine ne peut être amenée à haïr mais à aimer.

Une dernière conviction porterait sur l’importance de la prière pour la paix. Si nous reconnaissons que la réalité humaine dans sa plénitude est reçue comme un don de Dieu, alors nos prières devraient également s’adresser à Lui afin que la paix tant désirée vienne dans notre société avec le pouvoir du pardon. Ceux qui prient de tout cœur pour la paix posent déjà un chemin solide pour la coexistence fraternelle, car la prière authentique conduit à l’engagement pour ceux pour qui elle est priée.

Prier intensément pour la paix signifie se convertir du cœur à l’urgence de construire la paix que Dieu veut pour l’humanité. Cette paix historique et concrète que Dieu a promise à tous les hommes et à toutes les femmes atteint aussi pleinement la société du Pays basque. Que la confiance en Dieu et en la bonté humaine continue à encourager notre prière pour la paix afin que notre engagement humain et social débouche sur une authentique coexistence pacifique.

Aitor Kamiruaga Mieza, cmf.

 

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