Mon expérience d’aumônier à la prison de Nagoya
Marcel.lí Fonts cmf.
Aumônier de la prison de Nagoya
Curé de la cathédrale de Nagoya
J’ai commencé ce travail à la demande de l’évêque du diocèse de Nagoya il y a environ 4 ans.
Dans les prisons du Japon, les besoins religieux des détenus sont pris en charge par l’institution des assistants religieux des prisonniers ; des représentants des différentes religions officiellement reconnues par le gouvernement japonais participent à cette assistance. Les aumôniers sont des représentants des différentes confessions bouddhistes, shintoïstes et chrétiennes.
Dans la prison de Nagoya, plusieurs pasteurs protestants exercent ce ministère. Je suis le seul prêtre catholique. Les détenus qui souhaitent assister aux conférences que je donne une fois par mois sur un sujet lié à la religion catholique peuvent le faire sur une base volontaire. Je suis libre de choisir le sujet dont je veux parler.
Il y a pas mal d’immigrants latino-américains au Japon. Une bonne partie des personnes qui assistent aux conférences que je donne viennent de ces pays. Cependant, les discussions doivent être en japonais. Il y a toujours un fonctionnaire de la prison présent à toutes les activités que je fais.
Le nombre moyen de personnes qui assistent à ces conférences est de 10 à 20 détenus. Ceux qui le souhaitent ont également la possibilité d’avoir un entretien personnel d’environ 30 minutes. Cet entretien doit également être mené en japonais et un fonctionnaire est toujours présent. Il manque donc l’intimité nécessaire pour pouvoir traiter en profondeur les problèmes des personnes interrogées. La relation avec les prisonniers est très limitée. Le retour d’information que l’on peut obtenir des prisonniers est presque inexistant.
Pour autant que je sache, les règles dans les prisons japonaises sont très strictes. Ils n’ont pratiquement pas de temps libre. Ils gardent toujours les détenus occupés. C’est ainsi qu’ils empêchent les conflits de se produire. Mais je ne peux pas dire dans quelle mesure ce traitement est éducatif et favorise la réinsertion dans la société. Parfois, je dois donner certaines des conférences sur la réintégration dans la société peu avant la libération, auxquelles tous les détenus doivent assister en groupe.
Pour les prisonniers, leur réintégration dans la société ne doit pas être facile. La société japonaise est une société qui ne pardonne pas à ceux qui ont commis un crime ou une erreur grave. Elle est inscrite sur le CV de la personne et est très difficile à effacer. La principale raison en est que la société japonaise valorise avant tout le fait qu’une personne soit digne de confiance. Si une personne perd cette confiance, il est difficile de la retrouver.
C’est pourquoi il y a un avant et un après dans la vie d’un prisonnier. La façon dont la société le regardera et le traitera sera différente juste parce qu’il a été en prison.
Comme je l’ai dit, il m’est difficile de savoir ce qui préoccupe le plus chaque prisonnier et dans quelle mesure les conférences que je donne les aident personnellement. J’essaie, par mes interventions, de leur donner une vision optimiste de la vie et de leur faire comprendre que l’expérience qu’ils vivent en prison les aide à grandir en tant que personnes. Le fait qu’il ne s’agisse que d’une conférence par mois rend difficile la continuité de la formation qui peut leur être dispensée. Au cours des deux dernières années, en raison de la pandémie de coronavirus, certaines discussions ont également été suspendues. Il est arrivé que des prisonniers soient isolés de tout contact avec le monde extérieur.
Ce que je trouve le plus difficile dans mon ministère en prison, c’est le manque de contact personnel avec les prisonniers et le fait de ne pas pouvoir mieux connaître leur situation personnelle et donc de pouvoir mieux répondre à leurs préoccupations et à leurs difficultés.
Les personnes qui assistent aux conférences ne sont pas toujours les mêmes. Je sais que tous ceux qui souhaitent participer ne sont pas toujours en mesure de le faire. Dans quelques cas, certains d’entre eux sont venus me rendre visite après leur sortie de prison.
D’après ce que j’ai pu découvrir, dans le cas des étrangers, le motif de l’emprisonnement est en grande partie dû au trafic ou à la consommation de drogue, ou pour avoir heurté quelqu’un en conduisant sous l’influence de l’alcool. Au Japon, les règles relatives à l’alcool au volant sont très strictes et rigoureuses. Le problème supplémentaire pour les étrangers qui ont été en prison est que lorsqu’ils sont libérés, leurs visas sont révoqués et ils sont obligés de retourner dans leur pays d’origine.
Malgré les limites que j’ai indiquées, je crois que le travail d’aumônier de prison est un apostolat très missionnaire ; il est en phase avec l’appel actuel du Pape et de la Congrégation à aller aux périphéries pour évangéliser. Les prisonniers sont des personnes qui sont réellement marginalisées par la société et qui ont besoin de trouver un sens à leur vie.
Le fait d’avoir été nommé aumônier de la prison de Nagoya est un défi pour moi, mais c’est aussi quelque chose qui m’aide à me sentir comme missionnaire clarétain au Japon.
Marcel.lí Fonts cmf.
Nagoya, 6 juillet 2022
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