Le Pacte mondial pour les migrants : apporte-t-il quelque chose de nouveau ?
Miguel Angel Velasco cmf
Membre de l’équipe clarétaine à l’ONU
Master en Développement S. et Diplomatie. UNITAR
Simplement des données
Les données sont choquantes. En 2020, 82,4 millions de personnes ont été déplacées de force. Le 18 juin 2021, voici les chiffres ventilés : 20,7 millions de réfugiés sous le mandat du HCR ; 5,7 millions de réfugiés palestiniens sous le mandat de l’UNRWA ; 40 millions de personnes déplacées dans leur pays ; 4,1 millions de demandeurs d’asile. À la même date, le 18 juin, la répartition par pays était la suivante : 6,7 millions de Syriens ; 4 millions de Vénézuéliens ; 2,6 millions d’Afghans ; 2,2 millions de Sud-Soudanais ; 1,2 million de Myanmarais ; 7,9 millions de nationalités autres ou non définies.
Principaux pays d’accueil : Turquie (3,7 millions), Colombie (1,7 million), Pakistan (1,4 million), Ouganda (1,4 million), Allemagne (1,2 million). On estime actuellement à 82,4 millions le nombre de personnes qui ont été contraintes de fuir leur foyer ; 26,4 millions d’entre elles sont des réfugiés, dont plus de la moitié ont moins de 18 ans. 22 mai 2022, l’ONU annonce que le nombre de personnes déplacées dans le monde a atteint le chiffre record de 100 millions.
L’ONU commence à s’attaquer au problème
Les Dialogues de haut niveau sur les migrations internationales et le développement de 2006 et 2023 ont abouti à la convocation du Sommet des Nations unies sur les réfugiés et les migrants à New York (2016). Ce « Sommet de New York sur les migrants et les réfugiés » contient la base de ce qui deviendra les Pactes mondiaux sur les migrations (Marrakech, 2018) et les réfugiés (New York, 2018).
La Déclaration de New York (2016) distingue le statut des réfugiés de celui des migrants. Le droit international des réfugiés est en fait beaucoup plus développé que le droit des migrants, car le drame des réfugiés a dû être réglé pendant les deux guerres mondiales. Le premier document du droit international des réfugiés est la « Convention relative au statut des réfugiés » (1951). La Déclaration de New York (2016) aborde trois questions urgentes : établir les droits fondamentaux de toutes les personnes déplacées ; définir les lignes de travail d’un statut pour les migrants ; et modifier le statut actuel des réfugiés. Avec la Déclaration, les droits des migrants et des réfugiés sont reconnus et étayés ; l’un des paragraphes les plus significatifs est peut-être celui-ci, que je transcris :
« Nous réaffirmons les buts et les principes de la Charte des Nations unies. Nous réaffirmons également la Déclaration universelle des droits de l’homme et rappelons les principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme. Nous réaffirmons et protégerons pleinement les droits de l’homme de tous les réfugiés et migrants, quel que soit leur statut ; tous sont titulaires de droits. Notre réponse démontrera le plein respect du droit international et du droit international des droits de l’homme et, le cas échéant, du droit international des réfugiés et du droit international humanitaire. »
La déclaration présente les principes qui conduiront aux deux pactes mondiaux, dans deux annexes : l’annexe I, « Cadre global d’intervention auprès des réfugiés » ; l’annexe II « Vers un pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ».
Le Pacte mondial pour les migrations
En 2018, le « Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières », le Pacte de Marrakech sur les migrants, est adopté. Ont voté NON : États-Unis, République tchèque, Hongrie, Pologne ; se sont abstenus : Algérie, Australie, Autriche, Bulgarie, Chili, Italie, Libye, Liechtenstein, Roumanie, Suisse, Singapour ; se sont abstenus : République dominicaine et Slovaquie ; les autres ont voté OUI.
Parmi les 23 objectifs, il convient de souligner les engagements suivants, que je reprends littéralement du site web de l’ONU, les caractères gras étant les miens :
- renforcer l’élaboration de politiques fondées sur les faits et les droits de l’homme ainsi que le discours public sur la migration ;
- réduire au minimum les facteurs négatifs de la migration, notamment en luttant contre la pauvreté et la discrimination, et en s’attaquant aux déplacements et aux catastrophes liés au climat ;
- garantir les droits des migrants à l’information et à l’identité légale ;
- Élargir et diversifier les possibilités de migration sûre, ordonnée et régulière, en tenant compte des besoins particuliers des migrants en situation de vulnérabilité ; 5 ;
- Protéger le droit à un travail décent et les autres droits du travail des migrants ; 6 ;
- Aborder et réduire les vulnérabilités et les violations des droits de l’homme dans le contexte de la migration ; 7 ;
- Protéger le droit à la vie dans le contexte de la migration ; 8 ;
- Combattre le trafic et la traite des êtres humains, tout en protégeant les droits de l’homme des personnes qui ont fait l’objet d’un trafic ou d’une traite ; 9 ;
- Respecter les droits de l’homme aux frontières et procéder à un dépistage, une évaluation et un aiguillage des migrants fondés sur les droits de l’homme ; 10 ;
- Protéger le droit à la liberté et à l’absence de détention arbitraire, notamment en donnant la priorité aux alternatives à la détention des immigrants ; 11 ;
- Garantir le droit des migrants à accéder aux services de base, tels que la santé, l’éducation et l’aide sociale, sans discrimination ; 12 ;
- Éliminer la discrimination et combattre l’incitation à la haine et à la xénophobie ;
- Maintenir les interdictions d’expulsion collective et de déplacement pour tous les migrants, en veillant à ce que le retour soit sûr et digne et que la réintégration soit durable.
Le sommet de Marrakech a créé un forum chargé d’examiner la mise en œuvre de l’accord ; il se réunit tous les quatre ans. Du 17 au 20 mai 2022, le premier Forum international d’examen des migrations 2022 a eu lieu.
Examen de la conformité avec le Pacte mondial sur les migrations de Marrakech
Pendant cette semaine, des experts des Nations unies, des représentants des États et des représentants d’ONG et d’organisations de parties prenantes ont discuté et écouté les positions de chacun. Le document qui a été soumis au vote a été préparé par les services internes de l’ONU, la société civile avec un nombre important d’ONG confessionnelles et, bien sûr, par les représentants des États. L’objectif n’était pas de rédiger un nouveau « Pacte mondial sur les migrations », mais plutôt de diagnostiquer sa mise en œuvre, de clarifier certains concepts et d’esquisser des méthodologies d’engagement. Dans les présentations de la société civile, des parties prenantes et des ONG, de nombreuses critiques ont été formulées quant au manque de conformité avec de nombreux points contenus dans le Pacte. Les représentants des États ont, comme d’habitude, présenté les grands progrès réalisés dans leurs pays respectifs et critiqué le non-respect des règles par d’autres États situés en dehors de leur « orbite ».
Le document final de révision du Pacte a été approuvé par une large majorité, même si, comme c’est souvent le cas, un certain nombre de pays n’ont pas approuvé le document.
Conclusions :
Les sommets sur les migrants et les réfugiés créent un ensemble de normes et d’orientations qui indiquent la direction que prend le droit international sur les questions de migration et de réfugiés. Les chiffres des tragédies personnelles dues à la migration forcée proposés au début de cet article sont effrayants ; dans cette situation, tout semble avancer trop lentement.
Il ne faut pas oublier qu’un traité approuvé par une majorité, bien que qualifiée, à l’Assemblée générale des Nations unies doit être ratifié par le système législatif de chaque pays. C’est pourquoi nous pouvons trouver des traités internationaux qui ne sont pas contraignants dans certains pays, car ils n’ont pas été approuvés par leurs organes législatifs. Il n’est pas rare de trouver des pays qui ont inclus les traités internationaux dans leur législation mais qui ne les respectent pas.
L’ONU fait de gros efforts pour clarifier les droits des migrants et l’obligation de tous les pays de les défendre ; mais l’ordre mondial doit mieux fonctionner. Il ne suffit pas de tenir des sommets ou d’adopter des documents ; l’ordre international fondé sur le respect des traités internationaux est sérieusement remis en question. De même, en ce qui concerne les migrants et les réfugiés, nous avons besoin d’un changement de gouvernance et d’un nouveau type de gouvernance mondiale. Les principes relatifs aux « personnes déplacées de force » deviennent chaque jour plus clairs, mais ils ne sont pas respectés dans de nombreux cas.
Le sommet des Nations unies sur les migrations n’a pas apporté de nouveautés particulières, ni sur le fond ni sur la forme ; les principes fondamentaux sont clairement énoncés dans le Pacte mondial ; ce qu’il faut, c’est que le Pacte soit mis en œuvre et repris par tous les pays. Il est vrai que ces sommets nous aident à ne pas oublier ce qui a déjà été approuvé comme norme mondiale.
Miguel Ángel Velasco cmf
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