Juan Carlos Rodríguez, cmf
Directeur Mission hispanophone. Zürich
Nous sommes une communauté clarétaine avec trois missionnaires, qui se consacre expressément aux hispanophones qui résident dans n’importe quelle partie du canton de Zurich (l’un des 26 cantons qui composent la Suisse sur le plan administratif ; le plus peuplé et avec plus de mille sept cents km2).
Trois clarétains poursuivant la chaîne ininterrompue pendant plus de 50 ans de service missionnaire. Une plateforme ecclésiale dont le siège se trouve dans les villes de Zurich, Kloten et Winterthur ; jumelée par la foi qui nous unit et nous pousse à promouvoir une culture de la rencontre et du dialogue de la vie. Une famille qui célèbre dans huit lieux de culte avec des frères et sœurs de plus de vingt nationalités.
Nous vivons dans la gratitude. Si nous n’étions pas là, nous devrions sûrement demander la présence d’autres agents. Parce que quelqu’un doit toujours être là pour ceux qui en ont besoin. Et chacun de ceux qui sont poussés à quitter leur terre en quête d’une vie plus digne en a besoin et nous le lui devons.
Aux débuts de la Mission, il s’agissait d’hommes et de femmes originaires d’Espagne ; peu à peu, ils sont venus de pays et de cultures d’Amérique latine jusqu’à ce qu’aujourd’hui, dans la vie quotidienne de la Mission, il y ait une présence majoritaire.
Nous avons une vocation de foyer, dès le départ. Parce que la première chose dont un émigrant a besoin, c’est de chaleur. Sans aucun doute. Et ce pays est froid (certainement moins chaud que l’Espagne et, beaucoup moins, que les nations d’Amérique centrale et du Sud). Et ces personnes sont très formelles mais pas aussi chaleureuses, expressives, spontanées ou affectueuses dans leurs relations. Et parce que, même la langue est froide et dure. Et la chaleur du foyer est ce qu’ils reçoivent depuis le début. Les formes et les offres, les ressources et les initiatives ont changé, mais – dans tous les cas – il y a toujours eu un désir de proximité, de cordialité, de familiarité.
Et, du style maison, jaillit ce principe d’action: sans plus de questions que ne le permet l’amour, sans plus de légalité que ne l’exige la miséricorde. Aspiration, idéal – pas toujours atteint – comme bannière consciente et comme critère assumé.
La Mission a été le berceau, dans cette ligne, du collectif de soutien aux sans-papiers. La cause des frères et sœurs ayant une résidence non réglementée et non reconnue a été une préoccupation constante et ils ont été choyés « comme la prunelle des yeux ». Leur lutte est devenue la lutte de toute la Mission. Dans leurs initiatives, dans leurs projets, dans leurs revendications, le soutien et l’aide n’ont pas manqué. Dans les installations de la Mission, depuis de nombreuses années, il existe un programme de conférences en espagnol sur des informations intéressantes, en particulier pour les nouveaux arrivants, pour ceux qui sont ici depuis peu et qui ne sont pas protégés. Année après année, le cycle informatif traite avec des spécialistes des types de permis de séjour, du système scolaire, de l’accès au logement… et le dialogue s’ouvre, les doutes se clarifient, des liens et des alliances se créent. Derrière cela, il y a le soutien d’organisations telles que SPAZ et le Bureau de l’intégration de la ville de Zurich, et d’autres institutions avec lesquelles nous unissons nos forces en leur faveur. Ces dernières années, nous nous sommes battus pour la reconnaissance de la Züri City Card dans la ville de Zurich, un autre combat qui aura des effets très positifs pour les plus de 10 000 personnes qui, selon les estimations, vivent ici dans la ville sans statut de résident, la plupart d’entre elles étant des femmes qui travaillent dans le secteur domestique et dans les soins aux enfants et aux personnes âgées et qui font partie des personnes les plus démunies de la société. Lors de la collecte des signatures, en automne 2018, pour lancer l’initiative, la collaboration étroite n’a pas manqué. Il est maintenant temps de donner de la visibilité, de diffuser, de rendre présent sur les réseaux les mesures concrètes qui sont prises et de maintenir la tension jusqu’au but.
Le siège de la Mission à Zurich, bien situé dans la ville, dispose d’un secrétariat, qui est le premier sourire de la Mission pour ceux qui arrivent. Combien vont et viennent. Ils viennent parce qu’ils nous connaissent, parce qu’on leur a parlé de nous, parce que d’autres institutions les orientent… Il y a eu des périodes de flot continu matin après matin, après-midi après après-midi… Demander, chercher, mendier… Trouver un endroit pour dormir… traduire une lettre en allemand… remplir un formulaire… voir où ils peuvent manger gratuitement… voir où aller ou appeler pour trouver du travail… Il y a eu des moments difficiles, très difficiles. En 2014 plus de 700 personnes, en 2015 plus de 800, en 2106 plus de 900. Et les chiffres ne disent pas toute la vérité. Derrière eux, il y a toujours des histoires difficiles, des trajectoires compliquées, et des besoins, bien sûr, beaucoup de besoins. Et les possibilités et les ressources de la Mission ne sont pas suffisantes pour tout ce que nous voudrions. Mais à chaque visage, à chaque histoire personnelle, nous avons offert quelque chose de nous-mêmes… Le dévouement des trois secrétaires, du groupe de bénévoles, de tant de personnes qui donnent un coup de main… méritent un simple remerciement ; ainsi que l’église institutionnelle du Canton pour son soutien. Dans une moindre mesure, il en va de même pour les bureaux de mission de Kloten et de Winterthur.
La réalité parle et parfois crie. Et de son écoute naissent des projets d’intervention. L’émerveillement du petit qui est la graine de la lumière, même s’il vient enveloppé dans le malheur qu’il appelle. C’est ce qui s’est passé il y a quelques années. Le suicide d’un jeune dominicain a produit une très forte commotion et a déclenché un mouvement d’agitation qui exigeait une réponse. Dans la plus grande des célébrations de la Mission, dans l’église la plus compétente, une « Messe pour la vie » a été organisée. A la sortie de l’église, un groupe de volontaires a distribué un questionnaire pour détecter les défis et les besoins. C’était la graine d’un projet : la création d’un réseau de soutien pour la communauté hispanophone. Un groupe de spécialistes dédié à cette tâche a donné forme à la proposition. Des cours de formation ont été organisés. Une carte a été établie avec les points d’appui des personnes et des institutions, les initiatives et les offres pour les personnes vulnérables. URBAMAPP : un service hébergé sur le site de la Mission, une carte pour guider, un réseau pour aider. Et d’autres défis ont été détectés, plus de défis de la part du deuil migratoire. Et le programme d’accompagnement des familles est né. Eliana Cevallos et Edna Pariaug-Peláez dirigent l’équipe qui s’intègre dans la dynamique de l’action pastorale de la Mission et travaille en coordination avec l’équipe des Missionnaires. Un programme de prévention, de soutien et d’accompagnement. Avec des cours et des ateliers (une douzaine dans le cours 2019 pour lesquels plus de 200 personnes sont passées) et avec une attention hebdomadaire (avec plus de 170 sessions en face à face et plus de 30 en ligne).
Les graines continuent à pousser et un nouveau projet est déjà en cours qui veut se concentrer en particulier sur les jeunes et les personnes âgées et qui, après l’expérience de la pandémie, a comme l’un de ses objectifs la création d’une communauté virtuelle pour fournir des informations, un soutien et des lignes directrices pour l’accompagnement et l’intégration.
Nous nous intéressons principalement aux personnes et aux vicissitudes de leur trajectoire migratoire. C’est pourquoi nous avons également participé activement, depuis ses débuts en 1990, à une publication qui donnerait une voix à leurs problèmes, créerait une opinion et dénoncerait les politiques injustes et idéologiquement intéressées qui dénigrent, déforment ou manipulent la dure réalité des migrants. VENTANA EUROPEA, la revue qui reflète le projet commun de toutes les missions catholiques hispanophones d’Europe. Elle vient de publier son 122e numéro sur papier et a été un média tenace et engagé qui a donné une visibilité aux peines et aux joies, aux espoirs et aux souffrances, aux désirs et aux rêves de milliers d’hommes et de femmes qui ont été contraints de quitter leur pays d’origine à la recherche d’un avenir meilleur et d’une vie plus digne.
Nous sommes une famille qui promeut la communion et prend soin des racines culturelles et religieuses des fidèles hispanophones, en soutenant les expressions de leurs dévotions, fêtes, folklore. Revendiquant leur droit de conserver et de continuer à cultiver leurs signes identitaires, dans un mouvement de réciprocité avec la culture qui les reçoit et les accueille, les expressions particulièrement significatives sont les processions de la Confrérie du Seigneur des Miracles (Pérou) et les performances de la fanfare et de l’école de cornemuses de « As Xeitosiñas » (Espagne).
Dans le quotidien, dans les petites choses et dans les grands défis (qui parfois nous dépassent), nous nous sentons encouragés et poussés par le style missionnaire de Claret ; ce style qui ouvre les yeux pour découvrir les besoins, qui réchauffe nos cœurs pour répondre avec proximité, qui renforce la créativité pour entreprendre de nouvelles initiatives qui nous permettent de conjuguer ces verbes que le Pape François nous rappelle souvent quand il parle des migrants : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. Voilà où nous en sommes. C’est là que se trouve la Mission (www.misioncatolica.ch).
Juan Carlos Rodríguez, cmf
Directeur de mission hispanophone. Zürich
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